Les Liaisons dangereuses selon Fragonard

Note de l’éditeur

Partir à la recherche du Verrou de Fragonard, c’est partir à la recherche d’une énigme : pourquoi cette œuvre emblématique du libertinage a-t-elle été commandée par un collectionneur afin d’être le pendant d’une scène d’inspiration sacrée ? Et pourquoi a-t-elle été suivie de deux gravures, en écho et en clin d’œil ? Preuve, s’il en était besoin, que ce tableau célèbre ne peut se laisser réduire à une scène galante mais qu’il est riche d’ambiguïtés.

 

Fragonard convie le spectateur à s’interroger sur le sens de ce pas de deux amoureux. Il le pousse à questionner cette chorégraphie du désir théâtralisée à l’extrême. Pourquoi, pour qui, ou contre qui, ce verrou a-t-il été poussé avec une telle impétuosité ? Le peintre sème des indices symboliques, crée une tension, élabore un paradoxe : nous contemplons une scène que, précisément, ses protagonistes tentent de dissimuler aux regards…

 

Contre l’image convenue d’un Fragonard frivole et insouciant, Anne de Marnhac relate le parcours d’un artiste en quête de renouveau, confronté aux caprices des puissants et aux contraintes des institutions royales, alors que s’annonce la Révolution française. Elle met en lumière l’aventure singulière d’une toile peinte dans un atelier du Louvre et revenue au Louvre deux cents ans plus tard. Ce musée, Fragonard a activement contribué à le créer. Après la mort de sa fille Rosalie à l’âge de dix-huit ans, il renonça en effet à la peinture. Il en devint le gardien…

 

Œuvre majeure de l’artiste, Le Verrou marque un tournant dans l’imaginaire amoureux et érotique du dix-huitième siècle. Quatre ans avant la publication des Liaisons dangereuses, en 1782, elle en préfigure le message. Dans un merveilleux moment d’envol et d’étreinte des personnages, dans la beauté de visages saisis par le ravissement, Fragonard, au sommet de son art, montre la passion comme trouble de l’être, instant de vertige, incertitude sur ce qui advient…